Alex Burke
Né en 1944 à Fort-de-France, Martinique. Vit et travaille à Paris.
Alex Burke a très tôt été sensible à la condition humaine des populations, les premières poupées rangées dans leur casier sont la satire d’une société normalisatrice classant les individus en catégories, chacun se trouvant confiné, cloisonné dans un espace social, culturel, géographique. Se posent déjà, les questions identitaires et le danger de l’aliénation des individus. Cette posture de résistance, qui ne le quittera jamais, l’orientera assez vite vers la dénonciation de toute forme d’assimilation par toute forme de pouvoir. Progressivement, sa propre histoire se superpose à celle, collective, des populations issues de la colonisation. Plus récemment, la démarche d’Alex Burke se nourrit de l’histoire collective singulière des Amériques et interroge, à travers les pratiques du dessin, du collage, de l’assemblage et de l’installation, l’identité caribéenne tout en dénonçant la domination des intérêts économiques dans le monde qui ont conduit et conduisent encore aujourd’hui, à l’asservissement de peuples au mépris de leur identité et de leur culture.
Ainsi que l’explique Axel Burke lors d’une interview en mars 2013 « [son] travail n’a pas changé de direction, il s’inscrit dans une démarche qui se nourrit de l’histoire et convoque la mémoire pour tenter d’éclairer le présent. L’idéologie libérale mise à l’œuvre pour l’exploitation des Amériques avec pour effet la destruction des populations indigènes et l’esclavage poursuit son œuvre dans le monde avec d’autres méthodes » (in Aica Caraïbe du Sud, « Les dessins d’Alex Burke », 18 mars 2013). En réaction à la permanence de cette tragédie, il voit en l’artiste, celui qui a mission de dévoiler au monde les méfaits de cette idéologie du pouvoir : « Le rôle de l’artiste est d’alerter, de dévoiler, de montrer ce que l’on nous dissimule, de rendre visible l’invisible. » (in Alex Burke, « Visible/invisible », 2013, texte publié sur le site de l’artiste).
Tantôt présentées en sculptures autonomes, tantôt rangées en bataillons multicolores au sein d’installations dans des casiers, sur des piédestaux blancs de faible hauteur ou à même le sol, les poupées ponctuent régulièrement la production de Burke depuis quarante ans. Elles apparaissent invariablement debout sans membres supérieurs, évoquant aussi bien les fétiches africains par leur posture hiératique que les poupées amérindiennes de Kachinas, constituées d’une multitude de pièces de tissus et matériaux divers cousus ensemble autour d’une ossature. Véritable signature de l’artiste, cette technique de patchwork semble faire écho aux notions de diversité, d’hybridation et de métissage qui caractérise l’ensemble mais aussi chaque individu. Divers objets accompagnent et s’associent aux poupées dans les installations : voitures et maisons miniatures, boîtes, crayons, petits panneaux, étiquettes… participent à de grandes compositions multicolores qui contrastent avec la blancheur calculée des supports.
À ces nombreux volumes, répondent les collages, versions bidimensionnelles des poupées, d’une matérialité plus sobre par le choix exclusif de papiers de couleurs assemblés dans le même esprit, jouant également de contrastes chromatiques mais composant des silhouettes davantage diversifiées. Plus à part dans l’œuvre de Burke, les dessins sur papier journal, exécutés à la gouache appliquée directement à la main sur de grands formats, rompent avec la confection minutieuse des poupées, des installations et des collages, par la violence et l’impulsivité du geste sans contrôle, dans un quasi état de transe. La forme humaine perdure cependant, telle une figure obsessionnelle qui trahit une perpétuelle interrogation identitaire, un questionnement permanent de soi à travers l’autre, dans son rapport au monde.