CASABLANCAS
Ninon Lesourd et Mohamed Melehi à la galerie L’atelier, Rabat, 1971. Archives : Pauline de Mazières.
Gabrielle Camuset invite Maud Houssais à présenter ses recherches dans l’espace Véranda de la Villa du Parc. L’exposition d’archives CASABLANCAS s’inscrit dans un élan collectif, porté par différents chercheurs, curateurs, artistes, structures indépendantes et institutions, de valoriser les expériences de la modernité artistique au Maroc. Citons notamment l’ouvrage à paraître dédié aux archives de l’école des beaux-arts de Casablanca, dirigé par Maud Houssais et Fatima-Zahra Lakrissa et publié par Zaman Books & Curating ; ou encore School of Casablanca, un projet collaboratif de résidences, de programmes publics et d’archives en ligne piloté par le KW Institute for Contemporary Art et le Sharjah Art Foundation, en collaboration avec le Goethe-Institut Maroc, ThinkArt et Zamân Books & Curating.
CASABLANCAS
Les décennies 1960 et 1970 cristallisent au Maroc l’émergence d’une réflexion urbanistique où la philosophie de la ville accompagne les projets d’action artistique dans l’espace urbain. Les cercles de sociabilités artistiques et culturels nouvellement formés après l’indépendance prennent en charge ce questionnement afin de cristalliser un projet collectif de réforme sociale, politique et culturelle. A cet égard, Mostafa Nissaboury – poète, auteur et co-fondateur des revues culturelles Souffles (1966-1971) et Integral (1971-1977) – dans son texte « Casablanca, fragments d’une mémoire dispersée » livre un récit rétrospectif, à mi-chemin entre le témoignage et l’enquête de terrain, de ce qu’a symbolisé Casablanca dans les années 1970. A savoir, l’incarnation d’un territoire en lutte tant sur le plan du combat social que des idées, dans une remise en cause fracassante des normes et des cadres de pensée édictés. Mostafa Nissaboury déploie dans son texte les modalités d’écriture et de fixation d’une mémoire collective, qui ne peut se penser et s’énoncer que par la dérive dans l’espace physique – les rues – et symbolique – la mémoire et l’histoire – de la ville.
L’exposition d’archives CASABLANCAS imagine le pendant visuel d’une déambulation dans le Casablanca des années 60 et 70 à la mémoire dispersée et démultipliée en convoquant, par l’archive et le document, des pratiques artistiques oeuvrant à la production de la ville. L’invention d’une nouvelle culture visuelle est un enjeu crucial dans l’élaboration d’un projet de société qui doit également advenir par l’image. A cet égard, l’école des Beaux-Arts de Casablanca, dirigée par Farid Belkahia entre 1961 et 1974, constitue le terreau fertile d’une pensée de la ville qui place l’artiste au rang de prescripteur à part entière. Exposition dans l’espace public, graphisme, aménagement d’intérieur et urbain ainsi que photographie sociale deviennent la pierre de touche d’un art décolonial et engagé au sein de la société. Le cinéma incarne le catalyseur de la culture populaire urbaine qu’elle contribue à fixer et fonder. On peut par exemple penser au court-métrage d’Ahmed Bouanani 6 et 12 filmant Casablanca entre 6h du matin et midi. Enfin, les agences d’arts graphiques et appliqués fondés par des artistes, à l’instar de l’agence SHOOF fondée par Mohamed Melehi et du Studio 400 par Mohammed Chabâa, ou collaborant avec des artistes, comme le cabinet d’architecte Faraoui et de Mazières, constituent un apport fondamental dans la production d’une culture visuelle appliquée à la rue et à la ville.